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Du signe… au symbole
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Les littéraires ont une façon bien à eux d'entendre et d'employer certains mots. A plus forte raison, les littéraires linguistes. C'est qu'ils sont enracinés non seulement dans un corpus de langues et de textes qui remontent à Homère, mais aussi dans la manière dont fonctionnent langues et langages, et encore dans l'usage que les humains font de la parole. Les littéraires linguistes tiennent ces trois dimensions d'une même main, comme un conducteur de char à trois chevaux le ferait avec les rênes de son attelage : la difficulté réside non pas dans la posture bien qu'elle demande de l'adresse, mais dans le fait de conduire chacun des chevaux dans la même direction !
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Michèle Rodet : Tissâge (détail) |
Comment donc utilise-t-on des mots comme "signe" et "symbole" dans ce domaine ?
Le signe est l'unité de base d'un langage. Le signe, et non le mot ou la phrase. C'est une unité qui participe de la construction d'un langage dans la mesure où il produit de la "signification", et partant, du ou des sens. Le signe est le matériau qu'emploie un écrivant ou un parlant pour "faire signe" - pour alerter autrui, lui "signaler" qu'il veut lui parler - et pour faire sens.
Pour produire du sens, il faut au moins deux signes. En effet, si je dis : "sud", dans l'absolu, cela à une signification mais pas de sens. Le sens de sud ne vient que si je le place en rapport avec "nord" ou "est", par exemple. Si je suis un navigateur, ma route changera radicalement de sens si je dois aller "sud-nord" ou "sud-est". Et la direction de mon véhicule en sera affectée.
Et bien, il en va de même avec le langage. Le mot "blanc" par exemple, possède en lui-même quelques significations intrinsèques - de couleur ou d'absence de couleur - mais son sens ne provient que du rapport avec un autre signe : si je relie "blanc" à rouge ou rosée, alors je "désigne" le vin dont je parle. Si je le relie à "jaune", "noir" et "rouge", alors je désigne une couleur de peau et j'évoque une manière de penser l'humain. Etc.
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Michèle Rodet : Tissâge - 2010 - (1,40 x 0,85) |
En donnant du sens, le signe désigne ! Le parlant affecte un mot ou un groupe de mots à la chose - perceptible par nos sens - qu'il met en lumière ou qu'il montre d'une part, et d'autre part à ce qu'il pense ou à comment il pense. C'est une sorte d'interface.
Je peux encore employer le "blanc" pour parler de quelque chose qui n'est ni matériel ni perceptible par les sens, mais qui concerne tout humain. Le blanc symbolisera alors, selon la culture, le mariage, le deuil, la pureté… etc. Le signe gagne ainsi un nouveau pouvoir, celui de symboliser ; c'est-à-dire de manifester - à travers un élément perceptible - des réalités non perceptibles par nos sens, des réalités qui concernent notre intériorité et nos relations avec les autres.
Lorsqu'un signe acquiert la dignité du symbole, il devient pour les uns un code, pour les autres un langage.
Mais à propos, le mot "symbole", d'où vient-il, que signifie-t-il et à quels sens a-t-il donné lieu ?
© Michèle Rodet
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