Pas de symbole sans … ?
La langue grecque établit un rapport entre "symbole" et… diab(o)le. Ce mot est tiré du verbe grec dia-ballein, qui signifie : "jeter entre ou à travers, placer à travers, d'où : séparer, insérer, désunir ; brouiller, détourner ; attaquer, accuser, dire du mal de ; jouer à, tromper."
Dans l'antiquité, diabolê (nom) renvoie non pas un objet comme le symbole, mais à "la division, d'où : brouille, aversion ; accusation (fondée), fausse accusation, calomnie". Est diabolos (adjectif) : "ce qui désunit, qui inspire la haine ou l'envie, la médisance ou la calomnie".
La dynamique diabolique opère en brouillant les traces, disloquant les liens et brisant les signes ; c'est une énergie de désordre, de perversion, de détournement des traces lisibles. Le diabolique embrouille en touchant à ce qui anime l'humain et le fait vivre, en touchant au désir. Ses armes ? Mensonge, manipulation, instrumentalisation, emprise...
Le diab(o)le brise les fils du désir en utilisant à son profit les formes symboliques : il les vide de leur sens et de leur substance vitale, de leur énergie de vie. Il ne reste alors que des formes brutes, sortes de coques vides et insignifiantes.
Ce que provoque le diab(o)le ? La confusion, le perte de repère et de liens et par conséquent, des blessures (d'âme) et de la mort (du désir). A quoi mène-t-il ? A la jouissance centrée sur soi.
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Apparition de Mephistophélès à Faust | | |
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Quels recours ? Les sociétés et les associations cherchent depuis toujours à se protéger et à tenir leurs membres à distance de cette énergie néfaste. Les lois, les contrats, les pactes, les chartres (etc.) sont le moyen qu'elles ont trouvé et mis en œuvre pour ce faire. C'est pourquoi on leur confère une fonction symbolique, un pouvoir d'union et de rassemblement : ce qui y est consigné porte une valeur d'écriture contractuelle, une valeur d'alliance ou de "re-liance" pour la vie entre chacun, au sein et entre les générations.
Dans la mesure où ce n'est pas un pacte diabolique, naturellement. J. W. von Goethe met en scène Faust, le héros légendaire qui signa un pacte avec le diable. Il conte comment le piège ourdi par l'esprit et prince des ténèbres Méphistophélès conduira Faust tout droit dans ses filets en semant la mort autour de lui…
Voici un passage extrait de ce Faust :
" MEPHISTOPHELES :… Un mot encore : pour l'amour de
la vie ou de la mort, je demande pour moi une couple de lignes.
FAUST : Il te faut aussi un écrit, pédant ? Ne sais-tu pas ce que c'est
qu'un homme, ni ce que la parole a de valeur ? N'est ce pas assez que la
mienne doive, pour l'éternité, disposer de mes jours ? Quand le monde
s'agite de tous les orages, crois-tu qu'un simple mot d'écrit soit une
obligation assez puissante ?... Cependant, une telle chimère nous tient
toujours au coeur, et qui pourrait s'en affranchir ? Heureux qui porte sa
foi pure au fond de son coeur, il n'aura regret d'aucun sacrifice ! Mais
un parchemin écrit et cacheté est un épouvantail pour tout le monde, le serment
va expirer sous la plume ; et l'on ne reconnaît que l'empire de la cire et
du parchemin. Esprit malin, qu'exiges-tu de moi ? Airain, marbre,
parchemin, papier ? Faut-il écrire avec un style, un burin, ou une
plume ? Je t'en laisse le choix libre.
MEPHISTOPHELES : A quoi bon tout ce bavardage ? Pourquoi t'emporter avec
tant de chaleur ? Il suffira du premier papier venu. Tu te serviras pour
signer ton nom d'une petite goutte de sang.
FAUST : Si cela t'est absolument égal, ceci devra rester pour la plaisanterie.
MEPHISTOPHELES
: Le sang est un suc tout particulier.
FAUST : Aucune crainte maintenant que je viole cet
engagement.
L'exercice de toute ma force est justement ce que je promets. Je me suis trop
enflé, il faut maintenant que j'appartienne à ton espèce ; le grand Esprit
m'a dédaigné ; la nature se ferme devant moi ; le fil de ma pensée
est rompu, et je suis dégoûté de toute science. Il faut que dans le gouffre de la
sensualité mes passions ardentes s'apaisent !
Qu'au sein de voiles magiques et impénétrables de nouveaux miracles
s'apprêtent ! Précipitons-nous dans le murmure des temps, dans les vagues
agitées du destin ! Et qu'ensuite la douleur et la jouissance, le succès
et l'infortune, se suivent comme ils pourront. Il faut désormais que l'homme
s'occupe sans relâche.
MEPHISTOPHELES : Il ne vous est assigné aucune limite, aucun but. S'il vous
plaît de goûter un peu de tout, d'attraper au vol ce qui se présentera, faites
comme vous l'entendrez. Allons, attachez-vous à moi, et ne faites pas le
timide ! "
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