Bernard NOEL et Charles JULIET lors de la dernière Scène Poétique (le 15 décembre 2010) |
« Dernière séance !
Patrick Dubost »
J’ai reçu ce message avec stupeur le 12 décembre 2010, comme tous les autres abonnés à La Scène poétique. La Scène Poétique est un cycle de poésie parlée, développé sous la houlette de la Bibliothèque Municipale de Lyon en partenariat avec Patrick DUBOST. C’est la possibilité pour les habitants de la région Rhône-Alpes amoureux de la poésie de venir l'écouter de la bouche des poètes-mêmes. Autant dire que c’est pour la plupart d’entre nous, la seule chance de rencontrer les voix de la poésie contemporaine.
Avec stupeur, car comme chacun d’entre nous, je ne m’y attendais pas. La raison finalement alléguée pour justifier cette suppression ? L’argent. Je suis particulièrement attristée chaque fois qu’une ligne budgétaire est rayée d’un coup de stylo au motif de « faire des économies ». Il y a derrière ce genre de décision et d’action une incapacité à se représenter le tissu social et humain qui vit grâce à la dite ligne. Biffer une telle ligne – 5 000 € en l'occurence, autant dire une économie de bout de chandelle à l’échelle des sommes allouées à la Bibliothèque Municipale de Lyon – revient à couper le nœud qui tient la chaîne où se tisse, au fil de la poésie, le réseau de relations entre les poètes et ceux qui apprécient la valeur de leur travail.
Car la poésie est aussi affaire de voix. De scène. D’oralité. Des mots ou des textes, sans la musicalité portée par un corps, un souffle, un rythme, et uniquement donnés à lire – si peu d’ailleurs, il n’est qu’à écouter les éditeurs pour en être convaincu – perdent une part de leur charme et de leur capacité à déplacer l'auditeur et à le mener vers la vie dont la poésie est la quintessence.
Éliminer La Scène Poétique, c’est priver les habitants de la région de cette part de vie qu’ils n’ont pas la possibilité, les connaissances ou les moyens de découvrir par ailleurs.
Je fais confiance à Patrick DUBOST et à son équipe, comme nombre d’entre nous, pour nous guider dans cet univers à la visibilité si réduite. C’est un homme infiniment précieux, qui outre son propre travail poétique, donne de son temps et de son énergie pour tresser ce réseau – et Dieu sait à quel point c’est un ouvrage délicat – avec des mains et une sensibilité de dentellière. Cet homme est providentiel : qui d’autre que lui aurait pu faire autant de miracles avec si peu d’argent ? Qui aurait pu faire venir à Lyon le grec Démosthène Agrafiotis, la palestinienne Anas Alaïli, le français Yves Bonnefoy, l’italien Giuseppe Conte, le chinois Duo Duo, la québécoise Catherine Lalonde… ainsi que tous les autres ? Et tout cela en sept ans ?
J’espère que des solutions seront rapidement trouvées pour repriser ce déplorable accroc. En attendant, j’affirme mon profond attachement à cette Scène Poétique et à tous ceux par qui elle vit.
Et puisque qu'il est question de poésie, laissons-lui le dernier mot :
Souffle poétique :
Lumière des dieux or des fleuves
Pain des hommes vin de la terre
Au même creuset d'une voix ...
© Michèle Rodet
Pour plus d'informations sur la Scène Poétique et son histoire : http://patrick.dubost.free.fr/la_scene_poetique.html