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Lyon, le 14 novembre 2010 - Mettre en lumière pour faire apparaître

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Je suis allée visiter l’exposition de peinture UN SIÈCLE DE PAYSAGE – LE CHOIX D’UN AMATEUR qui présentait 70 œuvres d'une collection privée, retraçant une histoire du paysage en peinture au XIX° siècle. Au début de cette période, le peintre regardait encore la nature comme un gisement de formes dans lequel il puisait pour dresser le décor de scènes historiques, bibliques ou mythologiques, de sorte de créer des paysages idéaux. Alors relégués à la fonction de cadre, ces paysages composites relevaient de faire-valoir plus ou moins développés.

Georges MICHEL
Campagne sous un ciel gris avant l'orage
Huile sur papier marouflé sur toile
La collection présentait des toiles de peintres dont le regard sur la nature s’est peu à peu modifié. Les artistes, en sortant de plus en plus souvent de l’atelier pour saisir la nature sur le vif – ses plans, ses atmosphères, ses éléments, sa lumière… - se sont mis à peindre « sur le motif ». 
A leur travail sur les événements atmosphériques ou naturels correspondent une touche et une palette plus libre – déjà annonciatrice de l’impressionnisme – et un re-centrage sur des thèmes qui deviennent au fur et à mesure en eux-mêmes le sujet du tableau.
Perdant peu à peu sa fonction de cadre, la nature devient le sujet propre du tableau. Et la signification jusque-là dévolue à des personnages ou à des symboles est assignée au paysage lui-même. Un autre langage apparaît.

François GIROUX (vers 1826-1829)
L'Arbre foudroyé
Huile sur toile

Un langage entre deux. Car si c’est bien la nature qui est peinte, c’est de façon que le regard du visiteur soit porté sur un événement ou un élément littéralement « mis en lumière » par le peintre : une ombre inquiétante provenant du ciel, le moignon d’une branche arrachée par la foudre sur un tronc amputé, la blessure infligée à l'écorce terrestre pour tracer un chemin. L’on ne passe plus alors par l’histoire pour penser et représenter ce qui, de l’humain ou de ses sociétés, est indicible, mais directement par un événement naturel. Plus de narration donc, mais des figures, des figures de nature pure.

Le peintre comme le poète met alors en correspondance deux « terrains », deux « champs » de représentation qu’il déplace de sorte de les situer en rapport. La puissance d’évocation - dégagée des articulations et des liens narratifs - est en quelque sorte projetée dans le regard du visiteur si bien que c’est en lui que le jeu des interprétations se déploie. Avec les scènes historiques et mythologiques, la conjugaison interprétative entre histoire et géographie sort du tableau. Le paysage, bien que toujours composé, occupe désormais toute la place.

Jean ACHARD (vers 1844) - Paysage dauphinois
Huile sur toile
Alors le peintre, de nouveau démiurge, compose une forme naturelle autre, qui est existante dans le visible pour tout le monde, mais dont le visiteur ignorait qu’elle le concernât en propre.

L'exposition UN SIÈCLE DE PAYSAGE - LE CHOIX D'UN AMATEUR s'est déroulée au Musée des Beaux-Arts de Lyon (France) de juin à octobre 2010.

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