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Le symbole : une forme de dynamisme orientée vers l'un
Le mot français "symbole" a été formé à
partir du verbe grec sumballô, qui
signifie : "jeter ensemble, mettre
ensemble, mettre en commun, d'où : rapprocher, échanger, réunir - rapprocher
par la pensée, expliquer - se rencontrer avec, se réunir, avoir une entrevue
avec."
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Monnaie de la Grèce antique : drachme |
Dans l'antiquité, le symbole
était matérialisé par une poterie, ou une pièce de monnaie, que l'on brisait en
deux (ou en plusieurs) morceaux lors d'une première réunion, d'une
première entrevue ou d'un engagement et que l'on distribuait à chacun des membres
présents en vue d'une autre rencontre. Lors du prochain rassemblement, l'on
rapprochait les morceaux pour reformer l'unité de la pièce ou de la
poterie. L'on s'assurait ainsi de l'identité des porteurs, de leur
nombre, etc.
Pour qui le portait, ce
fragment confirmait son appartenance au dit groupe (assemblée, société, fratrie,
association commerciale, …), sa singularité au sein de ce groupe, mais aussi l'union initiale et la perspective d'une
nouvelle réunion. C'était le signe à la fois d'un lien et d'un engagement. Signes de reconnaissance, les fragments
rassemblés de la poterie attestait du lien initial entre chacun. Traces
lisibles, ils manifestaient la relation au travail, le lien en attente
d'accomplissement, une part de responsabilité.
A cette époque, le symbole
n'était pas figé dans une forme, mais désignait déjà une alliance, une unité de vue, un projet commun ou, comme on dit aujourd'hui, de la "re-liance".Le symbole prend à présent des formes
en fonction de l'idée, du contrat ou du projet (social, politique, religieux,
commercial…) qu'il représente.
Il est devenu plus abstrait, moins personnel, souvent
codifié, mais il demeure pour qui lui accorde de l'importance, un objet ou un signe
qui indique l'orientation de son désir : une énergie, un dynamisme tourné, non
pas vers une jouissance solitaire, mais vers du rassemblement, de l'unité, des retrouvailles,
du plaisir issu d'un désir partagé.
Le symbole donne à penser la
présence, la signifie et la suspend. Ce n'est ni un objet - qui satisferait ou
comblerait un besoin - ni un souvenir : il n'appelle par la remémoration
passive d'un événement ou de personnes rencontrées autrefois. C'est un objet "ouvert",
un espace de transfert : il oriente vers demain, dégage un champs pour de la
créativité, ménage un espace pour que des singularités co-opèrent, se co-ordonnent. Par lui transite une énergie vivante, active dans la mesure où il
rend présent le désir initial et l'actualise en permanence (envers et contre
tout), y compris dans l'absence (de l'autre ou des autres).
Mais, si le grec a forgé le mot "symbole"
pour parler de ce type d'énergie, de cette dynamique de rassemblement, de ce
plaisir des retrouvailles, de cet esprit tendu vers l'un, quel mot a-t-il bâti
pour désigner son contraire : la dislocation des liens, l'effacement des relations,
l'écrasement du temps, la perte de sens ?
© Michèle Rodet
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